Les difficultés actuelles du système capitaliste sont imputables à des transaction massives d'actifs immatériels (actions, obligations, produits structurés) en totale déconnexion avec les volumes de marchandises réellement échangées dans la vraie vie.
Ces transactions purement financières ont été rendues possibles par un recours massif à l'emprunt. La dette des agents économiques (vous, moi, votre entreprise, votre banquier, l'État) a atteint un niveau inégalé au cours des 5 dernières années. Et si la machine s'est emballée (en Europe, aux Etat-Unis, partout), c'est parce que les prêteurs ont été attirés par de juteux rendements, de bons taux d'intérêt.
Des taux d'intérêts ? Mais pourquoi y a t-il des taux d'intérêts élevés ? Pourquoi certains crédits à la consommation (de type revolving) coûtent-ils plus de 21% d'intérêt, le seuil de l'usure ? Ne faudrait-il pas mieux privilégier le vrai capital productif, tiré du commerce légitime et totalement bannir les taux d'intérêt arbitraires ?
Ces valeurs (pas de taux d'intérêt) existent dans toutes les traditions religieuses. On pourrait s'en inspirer et insuffler une pensée renouvelée dans nos pratiques de la finance. Que disent les traditions religieuses ?
"Ne donne point ton argent à intérêt"(Lévitique 25:37. Position de la tradition catholique jusqu'à Saint Thomas d'Aquin inclus).
"Tu pourras tirer un intérêt de l'étranger mais tu n'en tireras point de ton frère" (Deutéronome 23-20. Position de la tradition juive).
"Dieu a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt" (verset 275 de la 2ème sourate du Coran. Position de la tradition musulmane).
Cette approche éthique et humaniste de l’investissement, qui a cruellement fait défaut dans la période récente n’est pas l’apanage des religions. Le sens de l’équité, la redistribution des richesses et l’enrichissement par le bon capital productif tiré du commerce réel sont des principes éthiques universels.
Réfléchissons ensemble... Etes-vous d'accord avec ces quelques principes éthiques et de bon sens ?
Juste pour dire que j'observe avec beaucoup d'attention la politique de ZIR (Zero Interest Rate) pratiquée en ce moment aux Etats-Unis par la FED :)
Rédigé par : Jean-Christophe | 17 décembre 2008 à 08:44
@Nathalie, @Guillaume, @Fab, @Olivier: encore merci pour vos commentaires ! Quel sujet complexe...
Je soumets à votre sagacité ce petit film sur "l'argent dette". Il est très didactique. J'ai longtemps hésité à en parler car -vous le noterez également- il fait preuve d'une orientation idéologique partiale (je ne vais pas développer, mais c'est l'utilisation basique des peurs fondamentales et des mythologies du complot).
Pour autant, ce film a des vertus pédagogiques. La réaction de mes amis a avant tout été la surprise. Le fait que l'argent se constitue en grande partie à partir des prêts est quelque chose de très surprenant pour la plupart des gens.
C'est en expliquant l'économie (dès l'école) que l'on permettra à chacun d'être mieux informé et de ne pas rejeter l'inconnu.
Le lien vers le film "l'argent dette" http://www.dailymotion.com/video/x75e0k_largent-dette-de-paul-grignon-fr-in_news
Rédigé par : Jean-Christophe | 16 novembre 2008 à 21:21
Je n'ai pas l'ambition de rejoindre le niveau du débat amorcé ici mais juste de vous livrer ce que m'inspire ton interrogation JC. Et en préambule, j'indique juste que mon propos concerne surtout le crédit dans sa forme "produit packagé" et non les échanges financiers et les montages des places de marché, des places boursières.
1/ l'argent est un bien qui s'achète. Le prix pour le consommateur final semble être défini comme celui de n'importe quel autre produit (ou presque). Il contient des frais et une marge (car le créancier doit bien vivre aussi puisque son activité est d'en vendre).
2/ le taux d'intérêt crédit c'est une taxe sur l'argent, une TVA.
3/ Et inversement, au travers de chacun de nos achats, nous réglons à l'état l'équivalent d'un intérêt de crédit. Cette taxe que nous payons, de 19,60% ce n'est pas rien, et pourtant elle ne semble pas déranger autant qu'un taux de crédit à 20%. Finalement, c'est bien à l'état que va cette taxe, qui comme les impôts sert à rembourser la dette de l'état. Au travers de chacun de nos achats, on rembourse les intérêts de l'état.
4/ je ne crois pas en la gratuité de l'argent car cela voudrait dire que les personnes qui travaillent à le distribuer, le prêter, à le récupérer pour que cela finance d'autres projets/personnes ne pourraient être rémunérées.
5/ Pourquoi est-ce que ce sont le crédit et son coût qui sont pointés du doigt alors que partout on entend que c'est la cata les banques ne font plus crédit. Le crédit et son coût (pourquoi serait-il gratuit) sont donc un peu indispensable à l'économie.
6/ Et puis, il faut arrêter de crier aux voleurs pour parler des sociétés de crédit, car que penser des constructeurs auto, des promoteurs immobiliers, des voyagistes...On oublie que pour consommer ces belles voitures par exemple (qui ne coutent pas que la somme des matières premières qui les composent + la main d'oeuvre) il faut souvent faire appel à un crédit....d'ailleurs le constructeur est bien content s'il peut vendre la voiture + le crédit (double jack pot). Je ne veux pas me faire l'avocat du diable ici, mais c'est bien un problème de riches.
Lorsque le blé est devenu un objet de spéculation car sa production baissait, cela a gravement atteint des populations déjà en détresse et je n'ai pas l'impression que cela ait fait la une des JT.
Proposition 1 (rien à voir avec ma phrase précédente) : retirer la TVA dès lors que l'achat est fait à crédit, histoire de ne pas cumuler sa propre dette à celle de l'état.
Proposition 2 : être plus clair sur la composition d'un taux d'intérêt et distinguer ce qui est du refinancement, du risque, des frais etc...l'intérêt concernerait le coût de l'argent acheté sur les marchés, et ensuite les autres coûts seraient sortis du taux et pourraient être appelés frais de fonctionnement, ou frais de dossier.
Les impayés augmentent alors soit on décide de ne plus prêter, soit on augmentent les taux pour couvrir les taux de défauts de paiements et en parallèle on travaille à trouver une solution sur le non paiement des dettes. Faire apparaître le coût de l'impayé permet une bonne prise de conscience et on pourra se reposer la question de savoir pourquoi l'impayé dérape autant en ce moment en Europe et cela ne semble pas être lié au coût du crédit.
Rédigé par : nathalie | 27 octobre 2008 à 17:52
Merci d'avoir lancé le débat JC. J'imagine que tu as vu mon post récent sur le sujet http://tinyurl.com/5hr5qt
Ma réflexion a bcp évoluée depuis un an (et risque d'évoluer encore bcp), mais voici où j'en suis (pardonne-moi l'exemple):
Supposons que nous vivions dans une société où la monnaie est l'oeuf et la seule richesse est la poule.
L'oeuf n'est pas une vraie richesse (investissement à long terme): sans poule pour le couver, il ne produit aucune poule. Par contre, il a une valeur nutritive à court terme (et perd de sa valeur quand il n'est plus mangeable). C'est une monnaie idéale en qq sorte (si on met de côté le problème que tout le monde va se mettre à fabriquer des oeufs). Un poule peut être achetée pour disons X oeufs.
Donc, dans ce contexte, étudions la moralité de l'intérêt sur le prêt:
1) si je prête des oeufs (monnaie) contre intérêt d'une quantité inférieur à X c'est très clairement de l'abus.
2) si je prête une poule (richesse) pendant 1 an, il me parait juste que je récupère l'équivalent des oeufs produits pendant ce temps (mais peut-être pas les poules résultants d'oeufs qui ont été couvés).
3) il ne parait pas immoral de prêter des bouts de papier d'un nombre supérieur à X sur lequel est écrit "bon pour 1 oeuf" contre intérêt tant que le prêteur garde bien un oeuf en réserve pour chaque bon, puisque l'emprunteur en a suffisamment pour acheter une poule (vraie richesse). C'est plus pratique de transporter du papier que des oeufs.
4) il me parait par contre immoral de prêter des bouts de papier "bon pour un oeuf" contre intérêt mais de ne garder que 10% des bons prêtés en réserve en oeufs. C'est tout simplement un abus de confiance, autrement dit, une "fraude". Il est très simple de voir qu'un tel système n'est pas durable car il demande une création d'oeufs énorme, et qu'il n'est pas équitable car il aboutit inévitablement au fait que certains ne peuvent pas rembourser leurs prêts et perdent leurs poules/oeufs. Enfin il s'agit d'une quadruple taxe: a) une taxe parasite sur le travail de création de richesse de l'emprunteur, b) une taxe sur tous car les prix des poules augmentent (en terms d'oeufs) c) une taxe sur l'environment car il faut produire d'enormes quantités d'oeufs d) une taxe sur la société car la société doit prendre en charge ceux qui ont tout perdu.
Pour revenir aux religions, je pense (modulo erreur d'interpretation) qu'elles s'opposent a 1) et acceptent 2) avec des contraintes supplémentaires: le judaisme interdit de prêter des poules contre intérêt aux non-juifs, le christianisme interdit de prêter contre intérêt, et la religion musulmane prefere un modele ou le risque/recompense est partagé.
Malheureusement, le modele inventé bien après la naissance de ces religions (4) est aujourd'hui le modèle dominant partout dans le monde. Si Moise, Mohammed ou Jesus étaient parmi nous, je ne doute pas qu'ils s'y opposeraient. Jesus par exemple n'aimait pas trop les marchants du temple qui avaient l'exclusivité de la vente des jetons de don, seul donation accepté par le Temple...
Pour moi, prêter de la richesse qui n'existe pas contre intérêt est immoral. Je préfererais un modèle ou le gouvernement n'emprunte pas de monnaie au banques contre intérêt et crée de l'inflation, mais crée tout simplement de la monnaie pour financer différent projets bienfaisants pour la société sur le long-terme (santé des personnes agéees et des souffrants, énergie renouvelables, recherche scientifique, etc.).
Dans un tel modèle, les impots seraient supprimés (un trop grand partie de ces impôts est utilisé pour payer de la dette) et remplacé par l'impôt le plus équitable: l'inflation. C'est le modèle utilisé par les premiers colons aux US avant que la Banque d'Angleterre ne s'en plaigne. C'est aussi le modèle des greenbacks du temps de la guerre civile.
Bien sûr, étant donné le monde globale dans lequel nous sommes, ce modèle ne pourra pas marcher tant que nos monnaies nationales sont soumises à des fluctutations, et donc risque d'attaque (ex. Islande). Cela signifie donc un retour préalable à des taux d'échange fixes, probablement entre gros blocs économiques sur la base d'objectifs respectifs, car une monnaie internationale sera probablement trop compliquée à mettre en oeuvre sauf si elle est une fois de plus contrôlée par une sorte de banque internationale qui applique le modèle (4) à nouveau.
Rédigé par : Guillaume | 25 octobre 2008 à 22:34
Je comprends ce que tu veux dire mais hélas ça ne marche pas:
La monnaie n'a pas de rôle d'étalon de valeur justement parce que l'argent n'a pas de valeur en soi depuis qu'il y a déconnexion avec un étalon (or,etc.), c'est sa capacité libératoire (le fait de pouvoir acheter avec) qui lui donne sa valeur, la preuve: un billet retiré de la circulation n'a plus de valeur...que pour les collectionneurs.
La valeur d'une monnaie réside aussi dans la confiance qu'elle inspire, si la population n'a plus confiance dans sa monnaie, elle s'en débarrasse et consomme à tout berzingue, les prix augmentent de façon drastique,etc.et donc il perd sa valeur,etc.
2) Ce que tu décris (un taux d'intérêt négatif) est ce qui se produit lorsque l'argent n'est pas placé puisque sa valeur est amputée de l'inflation sur la période .
3) D'autre part pousser les gens à se débarrasser massivement de l'argent( en consommant avec) est inflationniste (ça augmente la vitesse de circulation de la monnaie)
4) Créer de la monnaie supplémentaire produit le même effet et dévalorise cette même monnaie.
Donc pour aller dans ton sens et aller au bout du délire je propose quelques hypothèses à respecter:
a) Inflation 0, déflation 0, prix bloqués, protectionnisme face aux autres pays, importations interdites) ça nous fait un pays totalitaire qui vit en ostracisme total, si tu as envie d'y vivre soit sûr que j'hésiterai à venir t'y voir :-)
b) interdire toute opération de change avec l'étranger
c) Donner à l'argent une "durée de vie" limitée: s'il n'est pas employé à des fins d'investissements productifs ou de consommation, il perd toute sa valeur
d) interdire l'épargne rémunérée pour l'épargnant. L'argent génére un intérêt égal au cout global du risque constaté sur ses emplois, ce rendement alimente une caisse de garantie qui assure le prêteur qu'il sera remboursé
Tout ça me fait penser que l'argent est intimement lié à la notion de liberté, "l'argent c'est de la liberté" disait Dostoïevski, c'est l'usage de cette liberté qui génère automatiquement le marché qui lui est lié. Faut-il supprimer la liberté pour libérer l'argent?
Maintenant si c'est effectivement de la liberté reste à savoir pourquoi certains en sont si prisonniers.
Je conclurais par cette citation de Vian: L'argent ne fait pas le bonheur de ceux qui n'en ont pas :-)
Bon si avec tout ça ya pas un sujet philo pour le prochain bac c'est que ton blog est moins influent que je ne le pensais :-)
amicalement
fab
Rédigé par : Fab | 25 octobre 2008 à 18:21
Il me semble que Frederic Lordon va finir par avoir raison après que Sarko et consorts aient épuisé toutes les cartouches.
http://www.dailymotion.com/video/x73dkm_conference-sur-la-crise-financiere_news
Dès lors le prêt à taux zéro n'est plus une utopie.
Rédigé par : Olivier Auber | 25 octobre 2008 à 14:39
Bonjour Fab,
Tout d'abord merci beaucoup pour avoir lancé le débat !
Le problème avec l'intérêt, c'est qu'il encourage la thésaurisation. Je reconnais à la monnaie son rôle d'étalon de valeur et d'instrument d'échange, mais je m'interroge sur celui de réserve de valeur.
Et donc, dans le but de faire avancer notre sujet de philo, je me demande si la monnaie ne devrait pas être qu'un simple moyen d'échange sans valeur propre. La monnaie n'étant pas un bien productif, elle n'aurait donc aucun prix et aucun intérêt ne devrait lui être appliqué (au sens d'une augmentation non justifiée des montants prêtés).
Comme la monnaie est aujourd'hui une marchandise et s'achète dans un espace (la banque, les marchés financiers), sa valeur fluctue au gré de l'offre et de la demande. Ceci conduit les agents économiques à vouloir thésauriser l'argent pour pouvoir le louer en vue d'un profit futur.
Or, l'argent est indispensable à l'échange marchand, à l'économie : il devrait circuler plus librement. Comme l'air, comme l'eau.
Les taux d'intérêt devraient même être négatifs pour nous obliger les uns les autres à nous en débarrasser au plus vite en employant notre argent dans des activités directement productives !
Rédigé par : Jean-Christophe | 25 octobre 2008 à 13:07
Mouais,
je préfère penser qu'il s'agit d'une naïveté volontaire de ta part que d'une tentative démagogique consciente.
reprenons au début:
1) L'argent que l'on prête à un coût, que ce soit un coût de collecte (taux d'épargne+coût d'acquisition de cette collecte)
soit un coût d'achat sur les marchés
Donc quand ce coût augmente (hausse des taux sur les marchés ou augm. du taux servi aux épargnants) cela se traduit plus ou moins directement sur les crédits
2) Prêter de l'argent comporte un risque: celui de ne pas être remboursé, il y aura donc un coût (le coût du risque) qui viendra s'ajouter au coût de la collecte)
3) ensuite des gens vivent pour faire fonctionner tout ça, il faut donc que ça rapporte un peu et il y aura donc une marge.
Le total fait le coût du crédit, en ce moment le coût de collecte augmente fortement (du fait de l'augmentation très élevée du cout d'accès à la liquidité ce qui est très sensible pour les établissements fiannciers qui ne collectant pas directement sont obligés d'aller chercher le fric sur le marché, d'autre part le cout du risque augmente, enfin les établissements vendent moins le crédit à perte car ils ont besoin de pnb)
Bon tout cela tu le sais très bien JC.
Alors la religion dans tout ça?
Sans entrer dans l'exégèse tu remarqueras que ce qui est évoqué concerne le don (à un frère, à un ami), la position la plus radicale est celle du coran, c'est pourquoi en arabie saoudite il est répandu chez les bons croyants de ne pas demander d'intérêt de ses placements (mais il n'est pas défendu aux banquiers de faire des dons ou cadeaux à ceux qui leur prêtent, bien sûr ce n'est pas lié...:-)
et puis, tu amalgames un peu morale et éthique, non?
Amicalement
Fab
Rédigé par : Fab | 25 octobre 2008 à 12:23