"Se prêter de l'argent directement de particulier à particulier, sans forcément passer par une banque ? Mais vous n'y pensez pas ! Qui aurait cette idée folle ?
"On n'a encore jamais vu cela, donc ça n'est pas possible". Pour le dire autrement (et en termes savants) : "l'innovation n'est rationnelle qu'à posteriori". C'est d'ailleurs bien là un des principaux frein à l'innovation.
Pour consulter l'avenir, les grecs anciens avaient des oracles. Aujourd'hui, les futurologues font appel au... Gartner Group, célèbre firme américaine de consulting et de recherche dans le domaine de la technologie. Figurez-vous que le Gartner s'est pris d'une passion récente : prédire la banque de demain. Et du prêt direct entre particuliers, le Gartner en voit partout. Et pour bientôt.
L'étude du Gartner prédit que, à horizon 2010, les plateformes de "social banking" détiendront 10% du marché mondial des prêts et du conseil financier aux particuliers.
10%, oui, vous avez bien lu... Le Gartner est chaud bouillant. Le cabinet de prospective Celent est presque aussi remonté que le Gartner et y va lui aussi de sa petite étude. Celent prévoit également un brillant avenir au crédit entre particuliers : une production de crédit de 6 milliards de dollars en 2010 aux Etats-Unis. Une somme très rondelette, convenons-en. Pour donner un ordre d'idée, cela correspond au volume moyen de crédit à la consommation que prête une grande banque française en une année.
Ce que j'en pense ?
Je ne dis pas que les banques vont perdre 10% de leur activité au profit des plateformes communautaires. Non. Mais je suis persuadé que les réseaux sociaux vont devenir de nouveaux canaux de distribution pour les produits bancaires. Il est effectivement bien probable que 10% du business des banques soit apporté à moyen terme par ces nouveaux canaux.
1) Les canaux de distribution actuels des banques sont insuffisants pour couvrir l'ensemble des segments clients et l'ensemble des situations d'usage.
Les lieux de consommation bancaire changent rapidement. L'agence bancaire traditionnelle ne fait plus recette. Les banquiers en ont fait leur deuil : certaines banques ont déjà une part significative (20%) de leurs crédits immobiliers qui leur sont apportés par des courtiers comme CAFPI, Empruntis, Meilleur Taux,....
2) Les banquiers sont en décalage avec la partie de leur clientèle qui fait un usage avancé des nouveaux outils du web communautaire
Certains analystes comme Frédéric Baud soutiennent l'idée que les banquiers sont tout à fait capables d'innovations de rupture (puissance financière, ressources humaines très qualifiées,...).
Je pense au contraire qu'il y a trop de nouveaux produits et services à développer et que les banquiers ne peuvent être sur tous les fronts de l'innovation. Ils en seraient même incapables à court terme : selon Pierre-Philippe Cormeraie, il y a une fracture numérique de la relation client qui se dessine entre les marques et leurs clients. Je partage tout à fait cet avis, qui me semble particulièremement adapté à l'industrie bancaire, secteur d'activité qui se manifeste avant tout par un grand conservatisme.
La banque, c'est le plus vieux métier du monde.
Pour en savoir plus, je vous recommande ces quelques lectures :
- chamailleries entre blogueurs anglophones : Zopa qui se gargarise des bonnes nouvelles en provenance du Gartner (pas étonnant, Zopa est l'un des principaux acteurs du marché du prêt de particulier à particulier au UK et aux US), James Gardner qui n'est pas d'accord (James est le patron de la direction de l'innovation chez Lloyds TSB), Antony Mayfield qui est tout à fait d'accord et Tom Groenfeldt qui doute,
- traduction en français et analyse des principales conclusions du Gartner : ici (Blog de Nicolas Guillaume),
- analyse de la Banque 2.0 et du "social banking", là (toujours sur le blog de Nicolas Guillaume, décidemment en grande forme. Il publie une note par jour sur le sujet de la banque et du web 2.0 en ce moment. L'arrivée du printemps, sans doute !).
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