La Revue Banque et Microsoft organisait hier une conférence dans les locaux feutrés de la FBF (l'organisme professionnel qui rassemble les entreprises bancaires françaises). J'étais invité à participer à une table ronde consacrée à "la banque dans 5 ans". Vaste programme !
Je représentais le BarCampBank, sympathique groupe de réflexion que j'ai co-fondé il y a 1 an (déjà) avec quelques compères. La mission du BarCampBank est de "contribuer à l'apparition d'innovations et de nouveaux modèles économiques dans le monde de la banque et la finance". Excusez du peu ! Et bien, grâce au fluent english de Frédéric Baud et à la perséverance-wiki de Christophe Ducamp, figurez-vous que cette initiative française a rapidement connu un développement international. Mais oui, madame. Des BarCampBank se déroulent désormais partout à travers le monde : Seattle, Londres, San-Francisco, Manchester (USA),... Oui, je sais, c'est la gloire internationale. Même Business Week en a parlé : "[BarCamps] are popping up, and in some surprising sectors. In Paris, there have been [...] unconferences devoted to banking and finance".
Donc, je vous la fais courte, me voilà pas plus tard qu'hier à la FBF pour parler de Banque 2.0. Expliquer Prosper devant un parterre de banquiers, c'est un peu comme présenter eBay au Directoire de Sotheby's : disruptif ! Voilà une captation de ce que j'ai dit (au format très 1.0, vous repasserez pour le podcast) :
1. En quoi les nouvelles technologies web 2.0 viendront-elles impacter les relations qu'entretiennent les clients avec leur banque ?
Le web 2.0 s'accompagne d'une véritable révolution sociétale. Ne nous voilons pas la face comme certains analystes. Ne tombons pas non plus dans une illusion libertaire qui serait effectivement très excessive. Mais convenons que le mouvement consumériste prend de l'ampleur grâce aux réseaux sociaux. Ce mouvement s'accompagne d'un désintérêt croissant pour la publicité traditionnelle : le client est mieux informé, plus exigeant. Il consulte le web avant de réaliser un placement bancaire ou de demander un crédit. Il compare les prix des différentes offres bancaires. Il lit les forums, interroge ses réseaux sociaux.
La banque HSBC (UK) en a fait les frais récemment. Elle voulait imposer aux jeunes diplômés de payer des intérêts sur leurs découverts bancaires, auparavant gratuits. Un syndicat étudiant a rapidement porté la menace de boycott sur le site communautaire Facebook, attirant 5.000 contributeurs en ligne. La banque britannique a du reculer.
Les banques ne contrôlent plus leur marque. Mais certaines le fond mieux que d'autres en participant aux conversations ou en les encourageant (blog étudiant de la Wells Fargo, site participatif "change everything de VanCity).
2. Comment voyez vous le rôle du conseiller clientèle dans 5 ans ?
Le conseiller n'a pas un métier facile : il doit vendre des produits sans cesse plus nombreux et plus techniques. Il atteint souvent la limite de sa bonne volonté et de ses compétences. D'autant plus que le client est sur-informé (ou pire : il se croit sur-informé). Dans 5 ans, le conseiller clientèle sera : moins nombreux (il faut s'y résigner), mieux formé, pas forcément installé dans une agence physique (l' agence visiophonique avec co-browsing et objets métiers, chère à mon ami Jean-Michel Billaut est déjà là) et il ne vendra plus certains produits (qui ne seront distribués qu'à distance : assurance vie, crédit à la consommation,...). Enfin, le conseiller sera intéressé au chiffre d'affaires que ses clients réalisent directement sur Internet ou par téléphone mobile.
3. Jusqu'où peut-on personnaliser la relation clientèle avec le web 2.0 ?
Le web 2.0 est plus une menace qu'un atout en matière de fidélisation client. Le CRM (Customer Relationship Management) perd en efficacité et c'est désormais le consommateur qui reprend le pouvoir. Il dispose de plus en plus d'outils (comparateurs de prix, forums, réseaux sociaux) pour faire son choix avant d'acheter. La relation client-fournisseur se ré-équilibre. C'est ce qu'on appelle le VRM (Vendor Relationship Management), la réciproque du CRM en fait.
Que peuvent faire les banques ?
- offrir un choix plus large de produits (vendre les produits de la concurrence, en architecture ouverte),
- jouer la transparence en donnant accès à plus d'informations : expliquer pourquoi un crédit est refusé, fournir un récapitulatif des frais bancaires annuels, permettre le téléchargement de plus de 3 mois d'historique d'opérations, mettre à disposition des widgets et des mashups,...
4. On voit se multiplier les sites de finance communautaire. Une opportunité pour les banques traditionnelles ?
Un danger car le modèle du prêt de particulier à particulier est très solide. Mais aussi une très grand source d'inspiration, car la finance communautaire ré-invente la banque mutualiste.
Déjà plus de 30 sites de social lending à travers le monde. Et un mouvement qui se rapproche des latins : Boober et Zopa viennent d'ouvrir en Italie...
5. Les banques françaises sont-elles prêtes ?
"Pratice what you preach". En français : quelle banque tient un blog corporate ? Quel site bancaire intègre les microformats ? Quelle banque utilise en interne les outils collaboratifs de l'entreprise 2.0 (tags, wiki, signal social,...) ? Qui a refondu ses protocoles de communication interne ?
Faire évoluer les hommes et les organisations prend du temps. Et les sujets techniques abondent : désimbriquer les usines des réseaux de distribution, détricoter les systèmes tarifaires complexes,...
Ceux qui n'ont pas ces contraintes avancent vite : Revolution Money offre des transferts de fonds internationaux gratuits. Le client sait bien que les transactions électroniques ne coûtent pas grand chose, alors Revolution Money les lui offrent. Avec en prime une carte de paiement. Assortie d'une autorisation de découvert... payante. Un bien beau business model.
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